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Un curieux de la société
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30 décembre 2008

CRC - mobilier urbain

Chambre régionale des comptes de Lorraine :
RAPPORT D’OBSERVATIONS
COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND NANCY (Meurthe-et-Moselle)

Rapport d’observations accompagné des réponses envoyé le 21 mars 2007 par M. Jean MOTTES à M. le Président de la communauté urbaine du Grand Nancy, André Rossinot.

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Observation n° 67. : L’attribution du marché de mobilier urbain pour les lignes 1 et 2
Le 29 octobre 1999, la communauté urbaine a signé avec la société Decaux une convention de régulation de mise à disposition du mobilier urbain (abris de bus…) équipant les communes comprises dans son secteur de compétence et elle a fixé sa date d’échéance au 1er avril 2007.
Concomitamment, par délibération du 17 décembre 1999, elle a lancé une procédure d’appel d’offres sur performances portant sur le même objet pour équiper les lignes 1 et 2 du TCSP. A l’issue de cette consultation, le marché a été attribué à la société Dauphin et l’échéance de ce marché est identique à celle de la convention passée avec la Société Decaux, assortie d’une reprise par la communauté urbaine du mobilier existant pour une valeur de 2 317 225,06 € HT.

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Observation n°68-1 : La convention de mise à disposition du mobilier urbain en date du 29 octobre 1997 avec la société Decaux.
Dans le cadre de sa compétence de voirie, la communauté urbaine a repris, par délibération du 29 octobre 1999, les conventions de mise à disposition de mobilier urbain conclues entre la société Decaux et les communes entrant dans le champ de compétence de la communauté urbaine, en abrogeant les clauses d’exclusivité dénoncées par le Conseil national de la concurrence.
Cette convention du 29 octobre 1999 a ramené à une seule échéance, soit le 1er avril 2007, les différentes conventions en faisant la moyenne des termes des conventions existantes qui s’échelonnaient entre 2002 et 2015 pondérés par l’importance du mobilier par commune. L’objet de cette convention était l’exploitation publicitaire de ces équipements par la société Decaux en contrepartie de leur mise à disposition à titre gratuit, sans contrepartie financière. La communauté urbaine a considéré que les charges d’investissement et de fonctionnement supportées par l’exploitant compensaient la perception éventuelle de droits d’occupation ou de redevance d’autant que la prise en charge du service de mobilier urbain constituait une économie substantielle pour la collectivité.
Il aurait toutefois été conforme à la procédure retenue pour la société Dauphin et aux règles de la commande publique que cette convention fasse l’objet d’une nouvelle mise en concurrence.
En effet, le conseil de la concurrence, dans sa décision n°98-D–52 du 17 juillet 1998 relative à des pratiques relevées dans le secteur du mobilier urbain, rappelait l’avis du Conseil d’Etat du 14 octobre 1980 qui considérait les conventions de mise à disposition gratuite de mobilier urbain « comme une variété de marchés publics, marchés de prestation de service assortis d’autorisation d’occupation du domaine public ». Le conseil de la concurrence estimait donc que ces conventions devaient être soumises aux dispositions du code des marchés publics.
Par ailleurs, après plusieurs jurisprudences de tribunaux administratifs et de cours administrative d’appel, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 4 novembre 2005, « société Jean-Claude Decaux » a confirmé le caractère de marchés publics de ces contrats. Dans ce cadre, la convention du 29 octobre 1999 apparaissait comme un avenant de synthèse aux contrats initiaux. La convention devait donc respecter les dispositions de l’article 255 bis du code des marchés publics qui, compte tenu de la durée des contrats initiaux, bouleversait l’économie générale des marchés en cours.
Cette convention faisait en effet la synthèse des marchés passés individuellement par les communes et la Société JC Decaux selon le tableau ci-après.

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CUGN_marchesDecaux_Synth_se
De ce tableau, il ressort également qu’en 1999 les contrats en cours signés par les communes de Malzéville et de Maxéville avec la société « JC Decaux » faisaient l’objet d’une clause de tacite reconduction. La jurisprudence constante du Conseil d’Etat (CE 5 mai 1951, Dobrouchkess, CE 23 mai 1979 Commune de Fontenay-Le-Fleury, CE 29 novembre 2000, Commune de Paita) a souligné que de telles clauses doivent entraîner la conclusion de nouveaux contrats, et qu’à ce titre, elles doivent être soumises aux obligations de publicité et de mise en concurrence sous peine de nullité.
Les contrats initiaux passés entre les communes de la communauté urbaine et la société Decaux s’échelonnaient entre 1965 et 1991 et ils avaient fait l’objet, pour la plupart d’entre eux, d’avenants ou de nouveaux contrats. Les avenants concernés ne résultaient pas au sens de l’article 255 bis de sujétions techniques imprévues. La nouvelle convention en date du 22 avril 1991 entre la ville de Nancy et la société « JC Decaux » et celle du 21 septembre 1987 entre la ville de Vandoeuvre et cette société n’avaient pas donné lieu, par ailleurs, à une mise en concurrence préalable.
Selon la réponse de l’ordonnateur et de la société Decaux « l’arrêt du Conseil d’Etat de novembre 2005 était donc inconnu en 1999. L’application de l’article 255 bis du code des marchés publics n’était pas possible car les contrats n’étaient pas des marchés publics. Par ailleurs, en fixant une échéance unique établie sur la base de la durée moyenne calculée à partir de la durée résiduelle de chaque convention, le rapport entre les parties n’était pas bouleversé mais seulement préservé ».
La chambre ne peut pas suivre l’argumentation soutenue par la CUGN et la société Decaux. Dès 1980, le Conseil d’Etat a qualifié en effet ce type de contrats comme « une variété de marchés publics, marchés de prestations de service assortis d’autorisations d’occupation du domaine public » (Conseil d’Etat, avis du 14 octobre 1980 n° 327449).

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Observation n° 68. : Le marché de mise à disposition du mobilier urbain pour les lignes 1 et 2 du TCSP
A l’issue de la procédure de consultation prévue à l’article 303 du code des marchés publics, le marché a été attribué à l’entreprise Dauphin sur la base du critère principal à savoir le design, pour une période équivalente à celle de la convention passée avec la société Decaux. Le marché comprenait une tranche ferme pour l’équipement de trente-trois stations de la ligne 1, et une tranche conditionnelle équivalent à l’équipement des vingt-quatre autres stations de cette ligne et de celles de la ligne 2. L’acte d’engagement du 21 août 2000 prévoyait, à l’issue du contrat, le rachat du mobilier existant par la communauté urbaine moyennant la somme de 2 317 225,06 € HT.
Par délibération du 24 septembre 2004, le conseil de communauté a autorisé la passation d’un avenant de transfert au profit de la société Clear Chanel France pour l’exécution du présent marché, cette société ayant repris, dans le cadre d’une location-gérance, l’activité de sa filiale Dauphin.
La ligne 2 ayant été abandonnée, les vingt-quatre stations ont équipé la ligne 1.
Si les règles de mise en concurrence ont été respectées, ce marché appelle toutefois deux observations. L’élaboration d’un programme « exigentiel », conformément à la recommandation n°T 1-94 adoptée le 17 mars 1994 par la section technique de la commission centrale des marchés, permettait de définir par rapport à son objet l’attente que le marché devait permettre de satisfaire et de déterminer in fine les critères de sélection des offres. Pour ce marché de mobilier urbain, la collectivité publique avait d’une part pour mission, conformément à l’intérêt général, de traduire les attentes des usagers en terme de confort, de sécurité, d’exigences d’hygiène et d’information et, d’autre part, à l’issue de cette étude, de déterminer en ordre décroissant les critères de choix des offres. En conséquence, les critères de sélection des offres devaient répondre aux exigences traduisant les attentes des usagers. Or, il apparaît que le premier critère de choix défini dans les documents de consultation était le design, c’est-à-dire qu’il prenait en compte, en premier, l’intégration du mobilier urbain dans son environnement et non pas la satisfaction des besoins des usagers.
Par ailleurs, le Ministre de l’Economie et des finances et de l’industrie, dans une lettre du 13 août 1999 adressée aux conseils de la société Decaux SA sur la concentration dans le secteur de l’affichage publicitaire, avait considéré que la contrepartie de la mise à disposition gratuite de mobilier urbain par une entreprise résidait dans les revenus de la publicité disposée sur ce mobilier.
Le Conseil d’Etat dans l’arrêt précité du 4 novembre 2005 a jugé que ces types de marché sont des marchés de fourniture de service à caractère onéreux malgré l’absence de dépense effective pour la collectivité. L’autorisation donnée par la collectivité d’exploiter le mobilier urbain à des fins publicitaires et l’exonération de la redevance pour l’occupation du domaine public constituent des avantages consentis à titre onéreux par la collectivité en contrepartie des prestations fournies par la société, alors que ces avantages ne se traduisent par aucune dépense effective pour la collectivité.
Il en résulte que le rachat, en fin de contrat, du mobilier par la communauté urbaine semblait peu fondé.
La communauté urbaine a justifié le rachat du mobilier urbain par le fait que l’offre de base d’une durée de quinze ans avec maintien du mobilier existant ne prévoyait pas de contrepartie financière, et que la variante qui ramenait la durée d’amortissement du mobilier au 1er avril 2007 justifiait une compensation financière au profit du titulaire du marché.

page 94
Cette analyse ne répond à aucun critère objectif d’amortissement du mobilier urbain et s’écarte de la position de principe prise par le Conseil d’Etat.
Dans sa réponse, l’ordonnateur a contesté l’observation de la chambre dans les termes suivants :
« Le rachat du mobilier urbain n’est pas une obligation, c’est une possibilité pour permettre d’intégrer dans un seul marché tous les mobiliers de la communauté urbaine lors du renouvellement du marché des abris bus. Actuellement, cette option n’est pas retenue pour la préparation en cours de l’appel d’offre relatif à la disposition de mobilier urbain.
Les critères ont été classés dans une logique « client » :
- la qualité de l’insertion est un gage d’attractivité du transport et, afin que l’usager bénéficie du service et du confort des transports, il faut qu’il soit effectivement attirer par la solution offerte et par l’équipement qu’il accueille,
- ce n’est que s’il est attiré par le service, que l’usager est à même d’en apprécier la qualité, la sécurité et le confort (2ème critère) et sa pérennité, par la maintenance et le nettoyage (3ème critère), enfin il peur apprécier , le cas échéant les services supplémentaires offerts (4ème critère),
Les critères avaient donc bien une cohérence, conforme à l’objet du marché.
La Communauté urbaine a lancé l’appel d’offres, bien avant que les analyses du Conseil d’Etat soient formalisée par l’arrêt du de novembre 2005.
Il a été considéré que, d’une part le nombre et la qualité du matériel et de sa qualité équipant les stations et, d’autre part le fait d’imposer les faces publicitaires parallèles aux voies de circulation, nécessitaient une durée de 15 ans pour amortir les coûts d’investissement et d’entretien.
Il était donc normal de considérer également qu’à mi parcours du marché, l’investissement n’était pas amorti.
La Communauté urbaine a prévu en variante une durée courte pour l’exécution de ce marché pour pouvoir éventuellement relancer une consultation globale sur l’ensemble du mobilier urbain ».
Dans sa réponse, la société CLEAR CHANNEL (Société DAUPHIN) est revenue notamment sur la notion d’amortissement du mobilier :
« Concernant la prise en compte d’une durée d’amortissement du mobilier urbain sur une durée de quinze ans, elle ne me paraît pas entrer en contradiction avec la jurisprudence récemment rendue par le Conseil d Etat sur le recours de notre concurrent la société JC DECAUX.
Ces arrêts ont eu pour intérêt de clarifier la question longtemps débattue de la qualification juridique de ce type de contrat.
Il ne s’agit donc pas comme le prétendait depuis longtemps notre concurrent de convention d’occupation du domaine mais de marchés publics.
Dans ce cadre, la Collectivité peut souhaiter ou non acquérir le mobilier urbain.

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Lorsque tel est le cas, il nous appartient d’en tenir compte dans l’équilibre à opérer entre d’une part, des dépenses entreprises par notre société pour la collectivité (fourniture du mobilier, installation, maintenance et prestations de services connexes) y ajoutant selon les cas le versement d’une redevance d’occupation et d’autre part, les bénéfices susceptibles d’être retirés de
l’exploitation publicitaire de ces mobiliers urbains.
Cet équilibre s’opère sur la durée du marché.
La réduction de la durée du marché prévue dans l’offre de base réduit la capacité pour la société de rentabiliser les investissements réalisés au profit de la collectivité, il paraît légitime que de façon proportionnée l’équilibre contractuel de l’offre de base soit recherché dans le cadre d’une variante limitant la durée d’exploitation.
Ce qui conduit à proposer le versement d’une compensation financière destinée à tenir compte du fait que le matériel que notre société entendait amortir sur 15 ans ne pourra plus l’être.
Le procédé nous paraît objectif, transparent pour la collectivité et cohérent dans l’appréciation de la variante par rapport à l’offre Enfin, la durée d’amortissement de 15 ans retenue pour le mobilier urbain correspond aux usages de la profession qui concordent avec les termes d’une circulaire du Ministère de l’intérieur du 10 mai 1995 dont je vous remets copie ».

Au vu de ces réponses, la chambre est amenée à préciser le sens de ses observations.
- Sur le marché
L’avis de publicité de ce marché paru au JOCE le 25 janvier 2000 prévoyait que sa durée était de quinze ans avec une variante qui ramenait sa durée à sept ans. Il indiquait parmi les critères d’attribution des offres « le montant de l’indemnité éventuelle de rachat des mobiliers par la collectivité en fin de contrats ».
Le cahier des charges stipulait (article 9 - propriété des matériels) que « la totalité des matériels mis à disposition…restera la propriété du contractant…. L’entreprise proposera une option d’achat notamment pour la variante à sept ans ».
Le programme fonctionnel indiquait (article 6 – délai d’exécution du marche) que « la durée du marché fait l’objet d’une offre de base et d’une variante. L’offre de base correspond à une durée du marché qui sera de 15 ans à compter de la notification de ce dernier. Une variante sera proposée pour une durée du marché dont l’échéance sera le 31 mars 2007. Dans la proposition de
cette variante, il est demandé au candidat d’indiquer pour tous les mobiliers proposés une valeur de rachat du matériel mis en place ».
L’acte d’engagement du 16 août 2000 indiquait (article 2 – prix) que « le montant du rachat du mobilier urbain au terme des 7 années fondé sur sa valeur résiduelle s’élève à :
Rachat du mobilier
Tranche ferme 11 800 000 F HT

page 96

Rachat mobilier
Tranche conditionnelle 3 400 000 F HT
Total 15 200 000 FHT
Compte tenu de la spécificité de la procédure d’appel d’offres sur performance, il apparaît que lors du lancement de ce marché, la communauté urbaine envisageait le rachat éventuel du mobilier urbain aussi bien à l’issue de la durée de quinze ans que de sept ans (emploi du terme « notamment » article 9 du cahier des charges).
- Sur les critères du jugement des offres
Le critère de priorité de sélection des offres était le design. La commission d’appel d’offres avait sélectionné les offres en fonction de l’ordre de priorité indiqué dans le dossier fonctionnel. Le fait de juger les offres différentes aurait entraîné une inégalité de traitement des candidats par rapport aux conditions de consultation du marché.
Le recours à la procédure de l’appel d’offres sur performance pour ce type de contrat a été critiqué dans une note d’information du Ministère des Finances N° 2000-40 du 17 mars 2000 comme étant une procédure « peu adaptée aux besoins des collectivités en matière de mobilier urbain, secteur où la définition des besoins ne présente pas de difficulté d’ordre technique».
Il semble donc que la motivation principale de cette consultation était l’intégration du mobilier urbain dans un environnement et, qu’en cela, elle était contraire à la recommandation n° T 1-94 adoptée le 17 mars 1994 par la section technique de la commission centrale des marchés.
- Sur le rachat du mobilier urbain
L’argument de la communauté urbaine (et de son contractant) pour le rachat du mobilier urbain est la durée d’amortissement du matériel.
Cette argumentation semble surprenante de la part de la communauté urbaine dans la mesure où elle envisageait au départ, quelle que soit la durée du contrat, le rachat du matériel. La société CLEAR CHANEL cite une circulaire du Ministère de l’intérieur du 10 mai 1995 dont l’objet, semble t’il, se rapporte à la durée des délégations de service public dans les domaines de l’eau, de l’assainissement et des déchets, tant il est vrai que le représentant de la société DAUPHIN reconnaissait dans le cadre de l’audition des candidats que la valeur de rachat était « une donnée très novatrice pour notre société » (procès-verbal de la commission d’appel d’offres du 26 mai 2000).-

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